Wednesday, October 28, 2015

Tamazight entre le culturel et le linguistique

général 
La culture se définit , dans son acception anthropologique général , comme étant l’ensemble des œuvres , aussi bien intellectuelles et symboliques que matérielles , que les humains ont crées et produites. La construction d’une maison ou d’un pont est un aspect de la culture , au même titre que les mythes , les comportements ou les modes vestimentaires. De ce point de vue , la notion de culture tend à se confondre avec celle de civilisation. Il va de soi que la langue n’est donc qu’un élément dans ce grand ensemble qui est la culture. Elle est un produit culturel parmi tant d’autres. Son rapport à la culture est celui de la partie avec la totalité. 
           Bien que la langue soit le support de la culture , le moyen de sa diffusion et de sa transmission , elle reste , néanmoins en relation de dépendance avec cette dernière , parce  qu' elle en est un sous – produit , une partie seulement , fût – elle importante et essentielle. Il s’ensuit que la grandeur ou la décadence d’une culture entravent le rayonnement ou le déclin de la langue qui exprime et véhicule cette culture. Ce qui fait que la revalorisation d’une langue doit passer par la revalorisation de la culture dont elle fait partie. Dans l’ordre des priorités, entre les deux , c’est la culture qui prime.  
    Langue et culture dans le cadre de Tamazight
Examinons maintenant la nature des rapports entre la langue et la culture amazighes pour voir , ensuite , quelles sont les implications qui en découlent. 
          L’Afrique du Nord a connu , depuis des milliers d’années , des invasions successives , par lesquelles la culture Amazighe a durement souffert. Après la destruction directe , brutal et physique des aspects matériels de cette culture , telles que la mise à feu des casbahs , la dévastation des nécropoles , vient la destruction indirecte , symbolique , lente mais plus meurtrière. C’est l’introduction et l’imposition de la culture et de la langue de l’envahisseur. Ces deux dernières , appuyées par la force militaire , évincent , petit à petit , la culture et la langue amazighes de la scène officielle et les relèguent à un rang inférieur , entravant par là leur rayonnement et leur épanouissement naturels , empêchant surtout la langue amazighe de développer et de parfaire sa graphie propre. 
           Quand on fait le bilan de ce qui est resté de la culture amazighe nord – africaine , après les ethnocides perpétrés contre elle , on ne trouve pas grand – chose : seuls des vestiges qui témoignent d’une grande civilisation disparue.
   Voilà pour ce qui est du destin de la culture amazigh
Mais , fait curieux , paradoxal , et peut – être unique dans l’histoire , la langue amazighe , au lieu de connaître le même sort qui l’aurait condamnée au non – usage et à la « mort » , est restée une langue bien vivante , intacte , forte , pratiquée encore aujourd’hui par des millions de personnes. 
Oui , c’est un phénomène unique en comparaison avec d’autres cultures qui ont été victimes d’ethnocides semblables : la disparition de ces cultures a entraîné aussi la disparition des langues qui en faisaient partie.C’est le cas des langues de l’ancienne Mésopotamie de l’Egypte pharaonique et des Amériques dont il ne reste pas grand – chose , après seulement quatre siècles de domination européenne. 
        La langue amazighe constitue un phénomène vraiment exceptionnel dans l’Histoire : elle a survécu aux multiples ethnocides qui visaient à anéantir la culture amazighe , à telle enseigne que la question n’est pas : comment la langue amazighe a – t - elle pu survivre , mais : comment n’a t – elle pas encore disparu ?  
        Les Imazighen , suite aux invasions étrangères , n’ont ni religion « révélée » qui leur soit propre , ni ne forment un peuple uni ou un Etat souverain , ni même ne constituent une race distincte , ni ne possèdent un territoire géographiquement bien délimité. Ils ont été dépossédés de tout ce qui peut définir un peuple , une culture et une civilisation. Mais , par miracle , ils ont gardé leur langue amazighe. Le plus étonnant encore n’est pas la permanence et la survie de cette langue , mais c’est qu’à travers cette permanence et cette survie perdurent et survivent toute la culture amazigh et tout ce qui définit l’amazighité , comme si les Imazighen n’avaient rien perdu , en dépit de toutes les adversités qu’ils ont subies au cours de l’Histoire. D’ailleurs, grâce à leur langue , il est facile de récupérer et de reconstituer les éléments culturels qui ont péri et qui manquent. 
        Tamazight est une langue réellement miracle : quand on examine l’histoire des Imazighen , on constate que leur culture a toujours été niée , dénigrée , atrophiée et presque annihilée , conséquence d’ethnocides répétés et d’un long processus de déculturation et de conversion à d’autres cultures. 
        Mais en conservant leur langue , leur culture estimée morte et disparue se conserve elle – même à travers et par la langue amazighe.
  Les rapports entre langue et culture au sein de Tamazight.
   Ces données étant exposées , nous pouvons maintenant réexaminer les rapports entre langue et culture dans le cadre de Tamazight. 
        Nous avons vu que la culture forme un ensemble qui englobe la langue , qui n’en est qu’une partie , et que le déclin de la culture entraîne logiquement celui de ses parties dont la langue. 
       Ce rapport entre langue et culture est inversé en l’espèce de tamazight. C’est la langue qui forme , ici , un ensemble qui englobe la culture qui n’en est qu’une partie dépendante. Dans ce cas bien particulier , et contrairement à ce qui a été dit des rapports entre langue et culture , c’est la langue qui produit la culture , la détermine et l’entretient. La grandeur ou la décadence de cette culture est conditionnée par le rayonnement ou le déclin de la langue dont cette culture est un sous – produit. Par conséquent , une atrophie de cette culture n’empêche pas l’épanouissement de la langue , puisqu’elle n’est pas dépendante de la première. Par contre , s’il arrive à cette langue de mourir et de disparaître , toute la culture , qui en est un dérivé , suivra et connaîtra le même destin. Voilà ce qui explique pourquoi la langue amazighe s’est maintenue vivace et a sur vécu aux « massacres » qui ont exterminé la plus grande partie de la culture et de la civilisation amazighes.  
       Une langue qui se perpétué à travers des millénaires sans écriture , sans armes , sans pouvoir et en dépit de facteurs hostiles , n’est pas une langue ordinaire.
       C’est une langue – culture , une langue – civilisation , une langue – religion , une langue- peuple , une langue – Etat , une langue – histoire , une langue – patrie…..
       Dans l’ordre des priorités entre langue et culture , dans le cas de tamazight
c’est la première qui a la primauté , étant donné qu’elle est le giron qui nourrit et protège la seconde , la condition qui rend possibles l’existence , la reviviscence et la recréation de cette culture. 
         Les implications pratiques de la prééminence de la langue amazighe concernent les moyens à mettre en oeuvre pour préserver ce qui reste de la culture amazighe , en reconstituer et en revivifier ce qui a été perdu. 
          Etant donné que le linguistique détermine le culturel , dans le cadre de tamazight , pour les raisons que nous avons exposées plus haut , il s’ensuit que le seul moyen permettant la promotion de la culture amazighe est la promotion amazigh de la langue amazigh. C’est  - à – dire que la revalorisation de la culture amazigh doit passer nécessairement par la revalorisation de la langue amazigh. 
         L’enseignement de tamazight est la condition sine que non de sa revalorisation et de sa promotion comme langue , ce qui entraîne , par voie de conséquence , la revalorisation et la promotion de tamazight comme culture. 
        Ce dernier point – la nécessité d’enseigner tamazight pour promouvoir la culture amazighe – est très important et mérite quelques remarques : 
         On entend , ces dernières années , des voix répéter , à chaque occasion , que « la culture amazighe est un patrimoine national qu’il faut préserver et promouvoir » , mais , quand il s’agit de l’enseignement de tamazight , comme deuxième langue nationale , ces mêmes voix , habituellement très loquances à propos de la culture amazighe , se taisent dans un mutisme interlope mais révélateur , se montrant réticentes et indécises , alléguant des pseudo – difficultés telles que : quel tamazight faut – il choisir pour l’enseignement parmi les nombreux « dialectes » en usage ? quelle graphie adopter pour son écriture ? à qui doit – on l’enseigner , aux amazighophones ou aux arabophones ? son apprentissage sera – t – il facultatif ou obligatoire pour tous les Marocains ? Ceci , quand ces voix ne rejettent pas avec toute franchise l’idée d’enseigner tamazight. 
      C’est là une des contradictions qui trahit l’hypocrisie de ceux qui feignent de défendre la culture amazighe , tout en manifestant , rondement ou de façon allusive , de la « résistance » au projet de l’insertion de la langue amazighe dans l’enseignement
         C’est de la pure hypocrisie , car comment peut – on promouvoir la culture amazighe si on n’enseigne pas la langue amazighe qui détermine cette culture , qui en est la condition de vie et de survie ?  
          Celui qui aime vraiment la culture amazighe doit aimer d’abord la mère de cette culture , qui est la langue amazighe , et doit surtout aimer la voir enseigner dans les écoles et parlée par ses enfants.
        Il est un discours qui traite de la culture amazighe comme une entité antonyme et étrangère à la langue amazighe. C’est un discours fourbe et démagogique , qui s’ingénie à réduire la culture amazighe , en la dissociant de sa mère la langue , à une curiosité ethnographique et touristique. Voilà pourquoi la question de l’enseignement de cours. Ce qui explique aussi leur indifférence à la marginalisation de la langue amazighe , une marginalisation qu’ils observent dans un silence complice et approbateur. 
        Mais les Marocains savent faire la distinction entre ceux qui s’intéressent à tamazight comme on s’intéresse à une concubine , et ceux qui l’aiment comme leur mère.      fin
Auteur: Mohamed Boudhan
Date : 2005-04-20 19:58:

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